dimanche 9 octobre 2011

Mia et la mer




Mia tapotait du bout des doigts sur le volant au rythme de la musique qui crépitait dans les haut-parleurs. À chaque tournant, elle redécouvrait la route qu'elle avait parcouru si souvent autrefois. Comme par surprise, sa mémoire lui rappelait exactement à quel endroit tourner au moment pile où elle reconnaissait les lieux, comme surgis de vieilles photos enfermées longtemps dans une boite, et que l'on retrouve aussi fraîche que les souvenirs qu'elles remuent. Ça devrait être par ici, se dit-elle. Et, comme guidée par l'instinct d'une habitude enfouie, elle se retrouva sur le petit port, au bout après la digue. 
Il ventait fort ce jour-là. Un mistral vigoureux avait fait descendre la température de 10 degrés en 24h, lui avaient dit ses parents. Qu'importe, elle l'adorait, elle, le mistral. Le ciel, balayé par le vent, avait en ces jours venteux une lumière incroyable, si pure qu'elle semblait sortir tout droit d'un tableau de Turner. Elle descendit de sa voiture, déjà éblouie par le soleil qui se reflétait sur les vagues en une lumière aveuglante. 
Ses pas trouvèrent tout seul le chemin qui menait au sentier du littoral. Cette ballade qu'elle avait fait tant de fois, petite. Elle se souvint, dans un sourire tendre, à quel point elle et ses frères et soeurs agaçaient ses parents à ne pas vouloir marcher. C'est vrai, pensa-t-elle, ça doit être exaspérant de voir ses enfants ne pas se rendre compte de la beauté magique de ces lieux. 
Tranquille, elle prit le chemin qui serpentait le long de la mer. Le mistral ébouriffait ses cheveux, elle se défendait d'y passer la main, comme pour respecter cette oeuvre sacrée de la nature qui venait s'inscrire jusque sur elle. Elle accéléra son pas, ponctué de bonjours machinaux adressés aux passants qu'elle croisait. Elle se coulait à travers la pinède, le vent frais coulait dans ses veines, elle se sentait aussi légère que lui. Elle voulait arriver là haut, lorsque le sentier tout à coup débouche sur le haut du pic qui surplombe la baie. Elle courait presque, manquant de trébucher sur chaque pierre, sur chaque racine, tant son esprit était absorbé par la mer et le vent. Puis, haletante, elle arriva au petit col. Ses yeux se plissèrent comme pour filtrer la lumière bleue qui se dégageait du paysage. La mer était maintenant environ cent mètres sous elle, elle entendait sa respiration familière. Les bras écartés comme pour s'envoler, elle se tenait là, immobile, à respirer le ciel. 
Puis soudainement elle dégringola le chemin en sens inverse, poussée par le besoin d'aller auprès de l'eau. Elle glissa jusqu'à une crique accidentée, et sauta de rocher en rocher pour rejoindre le plus éloigné du bord. Ses pieds trempés, elle manqua dix fois de tomber à l'eau. Peu importe que je me mouille se disait-elle. Hissée en haut du rocher, elle s'assit, apaisée. Les yeux fermés, pour mieux recevoir les couleurs du soleil. Elle écoutait le bruit des vagues qui bouillonnait autour d'elle en tourbillons d'écumes blanche. Il s'en dégageait une régularité toute aléatoire qui la berçait, apaisait tous ses sens. Elle le savait, que c'était exactement de ça dont elle avait besoin. Un peu plus haut, tout le monde devait la prendre pour une folle. 
Elle se sentait bien. 

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