J +5

Ces petites choses qui n'existent pas ici, et qui me manquent déjà tellement. Ne plus pouvoir commencer une phrase dans une langue et la finir dans une autre, en s'adressant à une autre personne dans une troisième. Devoir prendre le bus, le métro ou la voiture pour aller n'importe où, et pas seulement à pied ou en vélo. L'accent québécois mêlé à l'anglais dans la rue. Des toilettes propres et gratuits dans les lieux publics. Tutoyer les vendeurs, les serveurs, et les passants. L'hiver blanc qui ne reviendra plus.

Ces petits détails qui surprennent dès la descente de l'avion et qui déjà, m'énervent beaucoup. La montée anarchique dans un bus, les bousculades dans le métro et la guerre pour un siège, les trottoirs dégueulasses, le monde qui s'entasse, des petits rigolos qui pensent réussir à aborder une fille en la sifflant, les retards de train, la paperasse infernale qu'il faut remuer pour la moindre carte de métro. La vie qui s'arrête le dimanche. Le pays qui s'arrête du 15 juillet au 15 août et rend très difficile  toute la paperasse. Se perdre dans le dédale des rues parce que non, il n'y a pas de plan disponible à chaque carrefour et les villes sont des labyrinthes. Le regard lourd qui se veut pourtant discret des filles qui épluchent tes fringues une par une et mettent mentalement une note à ta tenue. Se sentir moche, à côté de toutes ces merveilles qui se baladent dans la rue. Les gens qui râlent, prennent la France pour le centre du monde et se rende pas compte de la chance qu'ils ont, de vivre ici. La morosité que je sens en toile de fond malgré l'été. Le stress des parisiens, contagieux comme la varicelle dans une crèche surpeuplée.

Et puis aussi tous les petits autres détails qui me font sourire et qui me rappellent pourquoi au fond j'ai décidé de rentrer. Des boulangeries à chaque coin de rue avec des bons croissants dedans. Trouver un petit resto parfait sans même chercher, où la carte est simple mais les plats délicieux, pas cher et même pas plein. Ne pas avoir à insister ou aller dans un endroit super fancy pour avoir un café décent. La beauté des rues de Paris. Les touristes qui les animent lorsque les parisiens sont partis en vacances. Paris en bus. La vie qui s'arrête le dimanche. Se perdre à chaque coin de rue et demander sa route à la boulangère du coin. Montrer le chemin à des touristes et se rendre compte 10mn après qu'on s'est trompé. Le cinéma en plein air à La Villette. Les coiffeurs pas hors de prix qui savent couper mes cheveux sans que je doive m'étaler en explications avec dessins, grimaces et néologismes associés. Trouver des chaussures potables sans faire 50 magasins, pour trois fois rien pendant les soldes. Les machines à carte bleue qui te demandent pas 5 étapes avant de faire ton code. Ma banquière, bien plus fine que son homologue canadien (désolée, mec..). Mon TGV préféré, celui qui perce la France nord-sud à pleine balle pour me ramener chez ma Maman. L'arc-en-ciel de la porte du soleil, toujours à sa place près de Valence, là où la transition entre le beau et le mauvais temps se fait souvent dans une explosion de couleurs. L'hiver froid et sale qui ne reviendra plus. Le mistral, qui réveille les cheveux, vivifie les joues et balaie le ciel. L'accent du sud et les cigales. Toute la famille de mon père réunie, bande de joyeux lurons. La lumière du ciel provençal. La méditerranée, et son bleu profond qui envoûte et remplit mes poumons.

Et surtout, cette douce sensation d'être entourée de ces choses familières qui sont toujours là, immuables, et dont je perçois le sourire chaleureux qui murmure "on est là, ne t'inquiète pas". C'est important, de se sentir chez soi.