"Victorieuse en sa robe voilière, elle allait dans la rue, blanche nef de jeunesse, allait à larges foulées et souriait, consciente de sa nudité sous la toile fine, sa nudité que la brise caressait de fraîcheurs. Je suis belle, sachez-le, vous tous que je ne regarde pas, sachez-le, et regardez une femme heureuse. Haute, elle allait, glorieusement à la main l'horaire sur lequel, s'arrêtant parfois, elle suivait la marche du train qui le lui amenait. ô merveille d'aimer, ô intérêt de vivre. Elle s'arrêta, prise de colère contre un chat qui traversait la chaussée si près d'une auto et qui se ferait écraser un de ces jours, le petit imbécile ! Elle aussi, attention aux autos, ne pas mourir aujourd'hui, nepas se faire abîmer. Aujourd'hui elle était
précieuse. Ô ce soir! Elle reprit sa marche, fonça sur le trottoir. Les deux hommes qu'elle heurta se retournèrent, charmés, mais elle était déjà loin. Elle en cogna un troisième, et parce qu'il lui sourit elle comprit qu'il savait qu'elle était heureuse, allant vers un aimé à nul autre pareil. Oui, tous la regardaient, tous savaient, tous approuvaient son bonheur. Un nuage là-haut. Si pluie ce soir, ils ne pourraient pas se promener dans le jardin, la main dans la main. Seigneur, j'y tiens beaucoup, fais qu'il fasse beau ce soir. Il me faut un ciel exténué d'étoiles."
Belle du Seigneur, Albert Cohen, extrait
C'est beau non ?
Je me faisais un peu penser à ça ce matin. Bon, j'allais voir mon banquier pour lui dire que tout serait bientôt fini entre nous, mais à part ça, la robe qui claque, le sourire, le coeur léger et le soleil y étaient. (et même les hommes qui se retournent..). Quand on est heureux, c'est fou comment ça se voit. Vous trouvez pas ?
Et puis ce bouquin, il est d'une beauté. Bon ok, c'est un bouquin de nana, mais il est quand même super misogyne pour un bouquin de gonzesse. Allez, relisez ce passage au second degré. Le petit chat et tout. Comme il se fout de sa gueule, c'est trop drôle ! Ô intérêt de vivre !
Si vous l'avez pas lu, il faut il faut il faut !
PS : J'avais une culotte, quand même..
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Ayez pas peur, ça mord pas !